Social Education
mercredi 13 mai 2009 - 02:24
Il y a quarante ans que les soeurs l'ont quitté, quarante ans que l'Éducation surveillée lui a succédé jusqu'en 1994, mais pour tout le monde, derrière l'étrange porte à claire-voie au 33, de l'avenue Jean Jaurès c'était (c'est) toujours le Bon Pasteur.
Toute une histoire née à Bourges en 1839. Le grand portail s'ouvre actuellement sur le chantier du foyer d'action éducative au moment où paraît un ouvrage cosigné par une historienne, Françoise Tétard et une ancienne éducatrice de la première équipe laïque de l'éducation surveillée arrivée à Bourges en 1968, Claire Dumas. L'histoire sulfureuse de ces établissements où l'on enfermait des filles que l'on considérait « perdues » pour les éduquer et qui ressemblaient, du moins pendant leur période religieuse jusqu'en 1968, à des maisons de corrections, a pour fil conducteur l'histoire du Bon Pasteur de Bourges.
Claire Dumas qui a professé pendant trente-deux ans à Bourges et organisé la rencontre entre la directrice religieuse, Mère Marie de Saint Jean de La Croix et la directrice laïque, Renée Prévaud, a eu l'idée de commencer cette histoire lorsque l'éducation surveillée est devenue protection judiciaire de la jeunesse. Elle a contacté des anciennes comme Sylviane Auger arrivée au Bon Pasteur en juin 1966, puis d'autres témoins. En octobre 1993, une journée d'étude a été organisée sur le sujet à Bourges à son initiative. À cette occasion, elle rencontre l'historienne Françoise Tétard. L'une et l'autre vont se compléter, la première recrutant les témoins, la seconde s'attachant par une prospection des archives à faire parler les murs.
Des filles de l'assistance publique
Celle-ci se souvient où elle a pénétré « pour la première fois dans l'enceinte du Bon-Pasteur de Bourges », accueillie par Claire Dumas et un collègue « l'homme aux clés [...] Chemin faisant, mes interlocuteurs évoquèrent pêle-mêle les Madeleines, les filles, les soeurs, les éducatrices » écrit-elle en guise de préface. C'est tout le sujet de cet ouvrage où l'on découvre sous la rubrique Tranches de vies, des témoignages comme celui de Sylviane Auger qui est arrivée en juin 1966 et a connu « des filles à l'isolement », Monique Cassonnet « embauchée au Bon-Pasteur de Bourges en 1965 », Paulette Desroches, infirmière au Bon-Pasteur de Bourges dont le mari avait eu une soeur, religieuse à cet établissement « au service des Madeleines, filles repenties, sans dot. »
"Sauver des âmes"
La plupart ont connu le Bon-Pasteur après le départ des soeurs, en 1968. Sauf ce témoignage de « Mme R. qui a séjourné au Bon-Pasteur de Bourges de 1929 à 1950 », restranscrit par Claire Dumas. Mme R. se souvient des filles, bon nombre venant de l'assistance publique « amenées par la police. Certaines avaient fait le trottoir. D'autres, venues du Nord souvent, avaient un père, un oncle ou un frère qui avait abusé d'elles. » Elle se souvient « qu'avant 1940, on s'occupait peu de la santé dans la maison. Beaucoup de jeunes filles et femmes, pensionnaires, soeurs ou Madeleines, mouraient de la tuberculose. Le froid était partout, malgré le petit poêle dans les ateliers, et dans les dortoirs, en tout cas, il n'y eut jamais de chauffage. L'esprit religieux qui imprégnait tout, faisait que mourir jeune n'avait pas d'importance, car c'était une âme sauvée. » L'ouvrage s'attache au « moment du passage », à la fin des années 1960 à rappeler que l'éducation surveillée et la protection judiciaire de la jeunesse n'ont pas été que des parenthèses... Tant mieux.
Patrick Martinat patrick.martinat@centrefrance.com
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